Grammar vs. "linguistic harassment"

Jacques Melot melot at ISMENNT.IS
Wed Jun 26 00:10:58 CDT 1996


Dans une reponse a Michel Bertrand (TAXACOM, 30 janvier 1996, "Re: e.g.,
i.e., etc.") j'avais deja qualifie de "linguistic harassment" l'emploi de
"she/he", "her/him", etc. Il me semble bien a propos d'expliquer maintenant
ce que j'entends par la.

Il s'agit en fait d'un probleme tout simple que l'on a complique a plaisir.
Il suffit de remarquer, une fois pour toutes, que dans les langues
indo-europeennes, donc en anglais en particulier, le genre des noms est
purement grammatical, non sexuel. Meme chose pour les pronoms ("he", "she",
"it" et les formes flechies "him", "her", etc.) en raison de la coherence
grammaticale.
La situation rappelle la nomenclature: il ne faut pas confondre le mot et
la chose pas plus qu'il ne faut confondre le taxon et le nom du taxon!

Voici quelques extraits concernant cette question, tires de divers "manuels
de style":
1. -- "Effective writing depends as much on clarity and readability as on
content. [...] He or she and her or him are cumbersome alternatives [...]"
(in J. Gibaldi, MLA Handbook for Writers of Research Papers, 4th ed., 1995,
p. 37).
2. -- "Combination forms such as he/she or (s)he are awkward and
distracting" (in Publication manual of the American Psychological
Association, 4th ed., 1994, p. 51).
3. -- "Inclusive language which draws attention to itself as such will
distract the reader; the aim should be unobtrusiveness" (in J. Butcher,
Copy-editing. The Cambridge Handbook for Editors, Authors and Publishers,
3d ed., 1975, p. 127).

En general, on associe la question de l'usage de "man" ("-man") a celle de
"he" et "she".
Si l'on doit changer "policeman" en "police officer", "mankind" en "the
human race", "man-made" en "artificial" (or "synthetic"), en quoi doit-on
changer "woman"???

La solution est simple. Le mot "man", a l'origine, ne s'applique pas a
l'humain male exclusivement, mais collectivement a l'humain male ET
femelle, sans distinction. Ce terme bref signifie donc simplement "human
being". (Cf., par exemple, Oxford English Dictionary: "Man [...] I. 1. A
human being (irrespective of sex or age); = L. homo.".). Ce n'est que plus
tard, que le mot "man" s'est applique a l'homme male par ellipse.

En islandais, langue germanique proche du vieil anglo-saxon, le mot pour
"man" est GRAMMATICALEMENT MASCULIN, mais s'applique aux etres humains
males et femelles indistinctement. Il est donc SEXUELLEMENT NEUTRE. "Man"
se dit "madhr" (acc. "mann", dat. "manni", genit. "manns", nomin. plur.
"menn", etc.), "humain male" se dit "karlmadhr" et "humain femelle" se dit
"kvenmadhr" (cf. le suedois "kvinna" (= woman), le norvegien "kvinne" (=
id.), l'anglais "queen", le francais "gouine" (= lesbian), le grec "gyne"
(= woman)).

En anglais le "man" femelle est "wifmann" (ou "wimman", etc.; cf. "wife"),
devenu "woman" en anglais moderne. Le "man" male est "werman" (et
variantes) en vieil anglais, devenu, par ellipse, simplement "man" dans
l'anglais moderne courant. La vieille racine indo-europeenne donnant
"wer-", se retrouve en latin dans "vir", homme male, d'ou le francais
"virago" (femme masculine), en anglais moderne dans "werewolf" (allemand
"Werwolf", isl. "varulfr" ou "verulfr", c'est-a-dire "homme-loup", d'ou le
francais "garou">garwalf>*wariwulf) et dans "world" (isl. "veroeld",
neerlandais "wereld"), etc.

Donc "she is a policeman" est parfaitement correct, et meme... "politically
correct"! Idem pour "man-made", "mankind", etc.


"SHE/HE" ET LE CODE DE NOMENCLATURE DE TOKYO.

A l'occasion de la redaction en cours du Code de Tokyo j'avais envoye, le
16 juin 1994, une longue lettre a W. Greuter (Berlin) dont voici un court
extrait:

"Dans les langues indo-europeennes  --  dont l'anglais  --  le genre
(masculin, feminin, neutre) des substantifs est purement grammatical et non
sexuel. Par consequent lorsque l'on reprend le mot "auteur" sous la forme
d'un pronom personnel, cela devient necessairement 'il' ['he']. C'est
tomber dans un antisexisme outrancier (qui est une autre forme de sexisme)
et irreflechi que d'avoir recours a des horreurs comme 'he or she', 'him or
her'. Cela ne correspond a aucun emploi atteste et correct du langage, et
traduit en fait un manque de comprehension des rapports de la langue a la
pensee. A vrai dire, on peut employer de maniere naturelle une figure de
style semblable dans le langage non technique, mais cela se fait
precisement lorsque, pour une raison quelconque, on veut mettre l'accent
sur la differences des sexes, ce qui est exactement le propos oppose de
ceux qui voudraient introduire cette aberration dans le Code!
Tot ou tard tout cela rentrera dans l'ordre: si nous cedons maintenant nous
pouvons etre surs de nous ridiculiser aux yeux des generations futures."

Je ne sais pas exactement quelle influence a eu cette lettre, toujours
est-il que les expressions "she/he", "him/her", etc., sont totalement
absentes du Code de Tokyo, alors qu'on les trouve dans des Propositions de
modification de ce Code (cf. TAXON 41, 42).

L'usage de "she/he", en plus d'une lourdeur manifeste, n'a pas la moindre
influence sur l'evolution de la condition de la femme, ne rendra pas
feministes les anti-feministes et irrite les autres. Quand aux feministes
militants, je suis persuade que cet usage leur pese, meme lorsqu'il ne
l'avouent pas.

En realite, cette pratique s'apparente a ce qu'on appelle en medecine un
traitement symptomatique: on s'efforce de supprimer les manifestations du
sexisme en esperant que la disparition des symptomes entrainera la
disparition du mal, ce qui, bien sur, est une pure illusion.

J'espere que les non-sexistes qui ressentent l'emploi de "she/he" comme un
fardeau pourront trouver dans la presente contribution a TAXACOM quelques
arguments utiles qui les aideront a s'en passer definitivement.

Salutations cordiales a tous les Taxacomistes

Jacques Melot, Reykjavik
melot at ismennt.is




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